Chapitre 11 : Liberté

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La nuit était tombée sur le camp. Seuls étaient réveillés les guetteurs autour de feux à la périphérie des tentes, les éclaireurs faisant des cercles pour pouvoir prévenir en cas d’une approche de réanimés, et Myrek, attaché à un poteau au centre du camp. Seul un garde le surveillait, le seul mage de l’expédition s’étant écroulé de sommeil, il avait dû laisser son poste à un simple homme n’ayant aucune connaissance de magie. C’est pourquoi il ne vit pas quand l’érudit se mit à puiser dans le Flux. Et c’est aussi pourquoi il ne remarqua pas les signes de la coloration apparaître sur la peau du mage. En effet, une ligne commença lentement à se tracer sur le dos de sa main droite, s’enroulant en cercle.

Le fantôme, seule autre personne qui aurait pu voir le mage, était parti en vagabondage, profitant de sa liberté de corps éthéré pour visiter. Mais il se rendit compte que quelque chose n’était pas comme d’habitude. Car subtilement, il ressentait une attraction vers le camp qu’il avait quitté. Il ressentait l’envie de s’y diriger et c’est ce qu’il fit. Il mit un certain temps à revenir, s’étant beaucoup éloigné puisqu’après tout, les hommes étaient censés être en sécurité au campement. Mais quand il arriva, l’alerte avait été donnée, et tous les hommes avaient été tirés du lit. Les éclaireurs étaient revenus et les guetteurs avaient commencé à positionner des barricades de fortune. L’officier criait des ordres de droite à gauche et les hommes s’affairaient, se préparant au combat. L’attraction avait cessé aussi rapidement qu’elle était apparue et la ligne commença à se résorber sur la main du mage tandis que Lymel, reprenant ses esprits, entreprit d’explorer les environs, pour sonder la menace.

Il n'eut aucun mal à la trouver car dans les landes, prendre un peu de hauteur suffit à avoir une vue très large et il vit. Le camp s’était placé en terrain découvert pour pouvoir facilement surveiller ses alentours, et pouvoir partir dans la direction opposée à une menace se présentant à ses portes, si tant est qu’elle n’arrivait pas de toutes les directions à la fois. Et Lymel vit que justement, les réanimés encerclaient le camp. 

Il y en avait beaucoup, presque le triple du nombre de soldats qui l’épée à la main, se préparaient au combat. Un réanimé n’est pas un grand guerrier. Ses réflexes sont lents, ses coups manquent de puissance, il est désorganisé. Comparé à un bataillon entraîné à se battre contre ce genre d’adversaire toute sa vie, il n’a théoriquement aucune chance. Mais cela est sans compter que le fait d’être déjà mort, rend l’anéantissement de ces monstres très difficile. En effet, les blessures mortelles pour un homme, que ces choses peuvent facilement assener, ne le sont pas pour elles-mêmes, et quand 10 coups suffisent à éliminer une de ces créatures, 1 seul suffit à éliminer un homme. C’est pourquoi dans ce camp les hommes se regardaient d’un air entendu. Sans un miracle, ils le savaient, le nombre aurait raison d’eux.

Le combat fut violent dès les premiers coups. Les soldats ne pouvaient jouer la montre car un tel adversaire, même touché, ne ralentit pas. Il avance, se taille un chemin dans la masse, poussé par les rangs derrière lui. Des coups violents furent portés des deux côtés et déjà les premiers tombèrent. De la poussière s’envola, vestiges des monstres centenaires achevés, suivis par leurs âmes, se dirigeant vers les montagnes au loin, mais des hommes crièrent de douleurs, serrant les dents.

La ligne de front recula et ce malgré les tentatives de l’officier de faire une brèche. Car s’ils restaient au centre, ils seraient tous anéantis. Ainsi ils devaient s’enfuir, percer d’un côté, abandonner le campement et sauver le plus de monde possible. Il réaffecta tant bien que mal ses hommes dans le feu de l’action, renforçant certaines parties du front, en laissant d’autres plus vulnérables.

Myrek, toujours attaché au poteau, regardait avec grand peine la bataille se déroulant sous ses yeux. Il savait que son choix lui pèserait très longtemps sur la conscience, et qu’il ne parviendrait jamais à l’oublier ni à se pardonner. Mais il y avait plus important en jeu, et il n’avait pas le temps de faire demi-tour. Il devait avancer, il avait quelqu’un à poursuivre. Il appela Lymel et le fantôme se présenta face à lui.

“Va me chercher le gamin, celui à qui tu as donné ma position l’autre jour. Oui voilà, celui qui peut te voir. Ramène le ici.”

Et Lymel repris de la hauteur, cherchant le noble. Il n’eût aucun mal à le trouver. Ayant rencontré son premier réanimé il y a quelques jours à peine, il tremblait de peur, et de naissance noble, l’officier ne pouvait se permettre de lui faire risquer sa vie. Il en allait de son grade et des relations entre 2 pays qui à tout moment pouvaient se tendre. Il avait donc fait en sorte de le garder au centre du cercle d’hommes, qui continuait à se réduire, mais déviant, lentement, s’éloignant du camps. La poussée des hommes déplaçait la bataille, ils faisaient reculer certains monstres, mais la brèche tardait à s’ouvrir.

Le fantôme n’eût aucun mal à convaincre Aroas de le suivre et arrivé devant Myrek, paniqué, il demanda :

"Peux-tu les sauver ? Peux tu nous sauver ? J’ai entendu dire que certains mages avaient de grands pouvoirs…”

Myrek, l’air abattu, répondit :

“Malheureusement non, je ne peux pas les sauver, mais peut être les aider, avec ta participation. Je vais pour ça te demander de me faire confiance, ne t’en fais pas, nous vivrons, et certains d’entre eux aussi, mais ils devront emporter les réanimés avec eux pour nous permettre de survivre.”

Le jeune homme sembla choqué.

“Tu es en train de me dire que pour nous sauver nous nous allons devoir lancer ces monstres à leur poursuite ? N’y a-t-il pas un autre moyen ?”

Le mage leva la tête et le regarda droit dans les yeux.

“Je suis en train de te dire qu’une troupe d’hommes armée et entraînée à vivre ce genre de situation, même réduite, aura plus de chance de survivre à une poursuite de ces créature que les 2 mages que nous sommes, et ce même avec toute la bonne volonté que mettra Lymel dans l’entreprise. Décide toi, nous manquons de temps.”

Aroas sembla hésiter mais se convainquit bien vite en regardant autour de lui que s’ils ne faisaient rien, tout le monde allait mourir.

“Très bien, que dois-je faire ?” dit-il avec un peu plus d’assurance.

Un léger sourire apparut sur le visage de Myrek.

“D’abord détache moi. Voila, je me sens mieux comme ça. Maintenant sache que ces créatures sont attirées par l’utilisation de la magie. Car la magie est la vie, et que dans leur état c’est ce dont ils manquent et c’est ce qu’ils cherchent, bref laissons les explications à d’autres. Sache que si tu utilises de la magie, ils viendront vers toi. D’ailleurs sais-tu faire des liens ? Même le minimum sera suffisant normalement. Alors écoute moi. Je peux faire en sorte de cacher notre présence à leurs yeux. Ils ne nous verrons pas, mais pour faire ça sur nous deux, cela demandera toute ma concentration, et non je ne peux pas l’étendre à tous les soldats autour de nous. Alors écoute moi bien. Quand je te fais signe, crée un lien avec le fantôme. A ce moment-là, Lymel, éloigne toi derrière les réanimés dans cette direction. Et à mon deuxième signe, Aroas c’est ça ? Relâche le maximum d’énergie à travers Lymel pendant le plus de temps possible. Ne dépasse pas ta limite attention, je t’arrêterai si tu t’en approches trop, mais cette énergie libérée devrait détourner l’attention des réanimés pendant suffisamment de temps pour permettre à l’officier d’ouvrir la brèche qu’il peine tant à ouvrir. Plus tu tiens longtemps, plus ils auront de temps, mais plus tu relâches d’énergie, plus tu détournera de monstres. Trouve le juste milieu et ils pourront s’enfuir, nous, nous resterons ici et nous partirons quand ça se sera calmé. Bon, tu es prêt ?”

Aroas approuva, les mains moites, et ils mirent leur plan à exécution. Leurs yeux prirent une teinte violacée tandis que tous deux se connectaient au Flux, et le même serpentin apparu sur les mains des deux mages. Le jeune homme était encore inexpérimenté et Myrek devait pouvoir comparer la dépense par rapport à lui-même pour pouvoir l'arrêter avant qu’il ne soit trop tard.

Une puissante vague d’énergie se déversa au travers du fantôme qui pour la première fois depuis qu’il était sous cette forme, ressenti quelque chose. Les mages la sentirent et les réanimés aussi. Les plus proches se retournèrent, tournant le dos à leurs adversaires et les plus éloignés levèrent la tête, distraits. Les hommes ne comprirent pas, ne pouvant ressentir cette magie, mais ils reconnurent l’occasion de percer, et l’officier se remit à crier des ordres. L’énergie d’un espoir renouvelé poussa les hommes à se battre avec toutes leurs forces et peu à peu, ils parvinrent à créer un chemin. L’officier se retourna alors que le chemin s'agrandissait et que les premiers hommes s’échappaient de cet enfer, cherchant des yeux le noble dont il avait la charge. Il le repéra enfin, assis au sol devant le captif. Les réanimés les évitait, comme s' ils étaient un obstacle et tout autour d’eux se dessinait un cercle qu’aucun de ces monstres ne franchit. Il était trop loin pour le récupérer, et il n’avait d’autre choix que de le laisser entre les mains de ce mage, qui apparemment venait de les aider à s’enfuir. Crachant au sol, il se retourna vers le vide de la Lande avec les soldats qu’il avait pu extraire de la bataille et prît la fuite, laissant un filet de sang goutter derrière lui.

“C’est bon tu peux t'arrêter." dit Myrek.

Aroas releva la tête et vit avec surprise que les soldats n’étaient plus en vue. Il avait perdu toute notion du temps, concentré comme il l’était, ayant leurs vies entre ses mains. Il coupa donc le lien avec le fantôme et senti d’un coup toute la fatigue de ce qu’il venait de faire lui retomber sur les épaules. Écrasé sous le poids, il bascula au sol et sombra dans le sommeil.

“C’était du bon boulot…” repris Myrek, maintenant la barrière autour d’eux tandis que des hommes se relevèrent, animés par la magie de la Lande, et que les réanimés, dont la source de distraction venait de disparaître, se mirent à avancer dans la direction que les soldats avaient prise. Lentement, mais sûrement.

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